Dernièrement une homme politique a dû renoncer à sa candidature aux Municipales parce qu’il avait imprudemment adressé sur le net une vidéo de ses parties intimes à une jeune femme.
Assez récemment un footballer de renom avait filmé ses ébats amoureux et les avait envoyés sur la toile.
Il est notoire que lors des premières projections cinématographiques, les spectateurs avaient été terrifiés de voir le train foncer sur eux. Un journaliste estime qu’en fait ils avaient été saisis par la « puissance bouleversante » de l’image. Cela fait écho à la société du spectacle que dénonçait Guy Debord. Il paraît que cet exercice d’exhibitionnisme-voyeurisme via le truchement sur le web est assez fréquent chez nos jeunes… Nous assistons donc à l’extension du pouvoir de fascination de l’image, assez voisin de ce qui se passe dans les espèces animales lors de la parade sexuelle.
- La question se pose de savoir si l’apparition d’une technique matérielle ( aujourd’hui les nouvelles technologies ) influe sur les techniques des relations sociales ( systèmes de parenté, mœurs sexuelles ) ou si l’une et l’autre évoluent chacune de leur côté pour, en se conjuguant, produire un résultat donné. C’est une question anthropologique et même philosophique.
Merleau-Ponty remarquait dans l’un de ses textes que celui qui invente un outil fait de celui-ci l’instrument de sa puissance sur les autres membres du groupe. En d’autres termes quiconque veut apparaître dans le champ publique peut se servir du web, l’image étant le vecteur le plus facile et le plus brutal.
Inversement la puissance du web est une invitation et même une injonction à se montrer.
Cette circulation de l’image suscite quelles que soient ses capacités, des réactions pulsionnelles du regard : invidia (jalousie mortelle), voyeurisme, mauvais œil, etc. multipliées à l’infini par la puissance du web.
A cela il faut opposer le pouvoir de la peinture tel que par exemple Jacques Lacan l’a défini. Par son jeu de couleur et de forme, un tableau invite le spectateur à déposer là son regard en donnant quelque chose en pâture à l’œil.
Considérons la Venus au joueur d’orgue du Titien. Le sujet est manifestement érotique. Le joueur d’orgue a la tête tournée vers Venus et se repaît de ses courbes. Le tableau fait entrer la musique dans le champ de la peinture. Deux thèmes rythmiques s’y conjuguent et s’y opposent. Les verticales des tuyaux d’orgue se répercutent dans le paysage, sur les troncs des arbres qui se reflètent dans le canal. En contre point se donne à voir un jeu de courbes dont la principale est l’ample courbe claire du corps de Venus avec laquelle le petit visage clair du joueur d’orgue entre en résonance. Ceci n’est qu’une description sommaire mais permet d’indiquer à quel point le génie du Titien fait s’interpénétrer une pluralité de registres : le registre érotique et l’entrée de la musique dans le champ pictural : la dualité des thèmes plastiques répond à la dualité des thèmes musicaux dans la forme sonate…
Ajoutons ceci : s’il est vrai que, comme le dit Lacan, la peinture a une fonction apaisante, apollinienne, elle n’en contient pas moins une fonction jubilatoire qui peut se résumer dans la splendeur éclatante du corps de Vénus.