La lecture d’un livre, « ce vice impuni », isole le lecteur des urgences du monde extérieur, le met dans un rapport intime avec les pensées ou les images que l’auteur lui suggère ou lui expose. Il n’en est pas de même de la lecture d’une lettre; il en va encore différemment de la lecture d’un journal, etc. Autant de types d’écrits à lire, autant de dispositions chez le lecteur. Mais celui – ou celle – qui écrit une lettre à son prochain est en un sens, lui aussi, en position d’auteur, à cette différence près, et elle n’est pas moindre, que l’adresse n’en est pas discrète et générale, elle est nominale et appelle une réponse, un engagement du destinataire, même s’il ne seront pas formulés.
Peindre une liseuse, c’est donc en même temps indiquer son rapport avec l’environnement proche ou lointain, avec le monde, voire avec l’auteur de l’écrit. Même lorsque le tableau prend en compte, sans s’y réduire, les exigences du « réalisme de vision », du réalisme optique, il doit être traversé par une ligne d’intention picturale.
La jeune femme lit une lettre devant la fenêtre ouverte ; on ne voit rien de ce qui peut se trouver dehors. Comme la presque totalité des tableaux de Vermeer, celui-ci figure un intérieur, clos comme une boite, avec des plans échelonnés en profondeur; le regard est arrêté par le mur du fond, qui réfléchissant la lumière, reçoit l’une des valeurs les plus claires. Vermeer inverse les rapports qui caractérisent le clair-obscur : dans ce dernier l’espace figuré, en allant du proche au lointain, passe progressivement du clair au sombre; chez lui, c’est le dernier plan qui concentre la majeure partie de la clarté
La fenêtre ne laisse voir que l’épaisseur du mur qui sépare la pièce du dehors. Toutefois, dans ce lieu quasiment clos et protégé, deux éléments évoquent le monde extérieur : c’est la blancheur de la missive, vue presque par la tranche, et c’est l’attitude de la liseuse. Bien qu’elle ait le visage penché, les yeux baissés, elle fait face tout entière à la fenêtre ouverte; elle lit gravement, elle examine à l’aune de son monde intime ce que lui adresse le monde extérieur.
Le réalisme de Vermeer, qui se transcende vers une effusion de la lumière, se soutient d’une très claire délimitation de l’espace. Il fait coincider son cube de lumière avec le cube d’un intérieur mais aussi avec le « cube scénique » inventé par la perspective classique. C’est ainsi que Vermeer réalise la jonction de l’intimité subjective ( la sienne et celle du personnage) et de la « vérité » optique. Mon approche est très différente Je procède non par délimitation de l’espace, mais plutôt par interpénétration des espaces ; au :lieu de placer ma liseuse dans un endroit retiré, je l’immerge dans un paysage dont elle fait partie, je marie son tissu avec le tissu même des éléments naturels; ainsi jouit–elle à la fois de sa lecture et de la griserie du plein air.
Assise sur le plat d’un rocher en surplomb de la mer, la liseuse éprouve la griserie de l’altitude. Quatre textures principales s’interpénètrent et s’opposent.: l’eau de la mer, le rocher, le corps féminin, la maigre végétation.
La liseuse fait pour ainsi dire partie du rocher, elle ne s’en distingue guère que par des formes plus fluides. Comparée à la tradition picturale qui centre l’attention sur le corps humain, cette toile se caractérise par une inversion des rapports. C’est le rocher qui impose la rigueur de ses arêtes, la forme humaine semble glisser sur lui comme une eau.
On retrouve ici le même type de texture que dans la toile précédente. Mais il était intéressant de montrer la liseuse perchée dans les rochers, avec la crête de ces derniers se détachant sur le ciel.
Par beau temps, une plage n’est pas un lieu solitaire, bien que l’on puisse s’isoler dans sa lecture. Cette toile réalise une forme de simultanéité que ne permet pas la perspective classique.
Les abords du col du Canadel sont à plus de trois cent mètres au-dessus de la mer. L’espace de cette toile suit une spirale qui part de la jambe de la liseuse, tourne derrière son dos , puis embrasse la mer en contrebas, et revient sur le couple formé par le visage penché et le livre ouvert. C’est là une manière d’opérer la jonction de l’intime et de l’ouverture au paysage.
La mer et les rochers s’enveloppent réciproquement. La liseuse est absorbée par sa lecture, mais la vague semble vouloir être entendue.
La lecture d’un livre, « ce vice impuni », isole le lecteur des urgences du monde extérieur, le met dans un rapport intime avec les pensées ou les images que l’auteur lui suggère ou lui expose. Il n’en est pas de même de la lecture d’une lettre; il en va encore différemment de la lecture d’un journal, etc. Autant de types d’écrits à lire, autant de dispositions chez le lecteur. Mais celui – ou celle – qui écrit une lettre à son prochain est en un sens, lui aussi, en position d’auteur, à cette différence près, et elle n’est pas moindre, que l’adresse n’en est pas discrète et générale, elle est nominale et appelle une réponse, un engagement du destinataire, même s’il ne seront pas formulés.
Peindre une liseuse, c’est donc en même temps indiquer son rapport avec l’environnement proche ou lointain, avec le monde, voire avec l’auteur de l’écrit. Même lorsque le tableau prend en compte, sans s’y réduire, les exigences du « réalisme de vision », du réalisme optique, il doit être traversé par une ligne d’intention picturale.
La jeune femme lit une lettre devant la fenêtre ouverte ; on ne voit rien de ce qui peut se trouver dehors. Comme la presque totalité des tableaux de Vermeer, celui-ci figure un intérieur, clos comme une boite, avec des plans échelonnés en profondeur; le regard est arrêté par le mur du fond, qui réfléchissant la lumière, reçoit l’une des valeurs les plus claires. Vermeer inverse les rapports qui caractérisent le clair-obscur : dans ce dernier l’espace figuré, en allant du proche au lointain, passe progressivement du clair au sombre; chez lui, c’est le dernier plan qui concentre la majeure partie de la clarté
La fenêtre ne laisse voir que l’épaisseur du mur qui sépare la pièce du dehors. Toutefois, dans ce lieu quasiment clos et protégé, deux éléments évoquent le monde extérieur : c’est la blancheur de la missive, vue presque par la tranche, et c’est l’attitude de la liseuse. Bien qu’elle ait le visage penché, les yeux baissés, elle fait face tout entière à la fenêtre ouverte; elle lit gravement, elle examine à l’aune de son monde intime ce que lui adresse le monde extérieur.
Le réalisme de Vermeer, qui se transcende vers une effusion de la lumière, se soutient d’une très claire délimitation de l’espace. Il fait coincider son cube de lumière avec le cube d’un intérieur mais aussi avec le « cube scénique » inventé par la perspective classique. C’est ainsi que Vermeer réalise la jonction de l’intimité subjective ( la sienne et celle du personnage) et de la « vérité » optique. Mon approche est très différente Je procède non par délimitation de l’espace, mais plutôt par interpénétration des espaces ; au :lieu de placer ma liseuse dans un endroit retiré, je l’immerge dans un paysage dont elle fait partie, je marie son tissu avec le tissu même des éléments naturels; ainsi jouit–elle à la fois de sa lecture et de la griserie du plein air.
Assise sur le plat d’un rocher en surplomb de la mer, la liseuse éprouve la griserie de l’altitude. Quatre textures principales s’interpénètrent et s’opposent.: l’eau de la mer, le rocher, le corps féminin, la maigre végétation.
La liseuse fait pour ainsi dire partie du rocher, elle ne s’en distingue guère que par des formes plus fluides. Comparée à la tradition picturale qui centre l’attention sur le corps humain, cette toile se caractérise par une inversion des rapports. C’est le rocher qui impose la rigueur de ses arêtes, la forme humaine semble glisser sur lui comme une eau.
On retrouve ici le même type de texture que dans la toile précédente. Mais il était intéressant de montrer la liseuse perchée dans les rochers, avec la crête de ces derniers se détachant sur le ciel.
Par beau temps, une plage n’est pas un lieu solitaire, bien que l’on puisse s’isoler dans sa lecture. Cette toile réalise une forme de simultanéité que ne permet pas la perspective classique.
Les abords du col du Canadel sont à plus de trois cent mètres au-dessus de la mer. L’espace de cette toile suit une spirale qui part de la jambe de la liseuse, tourne derrière son dos , puis embrasse la mer en contrebas, et revient sur le couple formé par le visage penché et le livre ouvert. C’est là une manière d’opérer la jonction de l’intime et de l’ouverture au paysage.
La mer et les rochers s’enveloppent réciproquement. La liseuse est absorbée par sa lecture, mais la vague semble vouloir être entendue.